Réguler le dopage ? Les failles de la gouvernance sportive

Réguler le dopage ? Les failles de la gouvernance sportive

4Comment dès lors expliquer que cinq années après son déclenchement, l’affaire Puerto semble être « une montagne qui accouche d’une souris »6 ? À ce jour, aucun coureur espagnol à l’exception d’Alejandro Valverde n’a été sanctionné. Et ce n’est que très récemment que le tribunal supérieur de justice de Madrid a annoncé que le Dr Fuentes ainsi que six autres personnes seront jugées, sortant quelque peu l’affaire de son enlisement7.

41Selon le procureur italien en charge de cette affaire, lors de l’audience de Valverde, ses avocats n’ont pas répondu aux accusations, se contentant d’expliquer que les autorités italiennes n’avaient pas légitimité à agir dans cette affaire. 32L’avocat de l’État a ouvertement déploré que le juge Serrano n’ait pas exploité les données disponibles sur les ordinateurs saisis par la garde civile. On sait par ailleurs de source journalistique31 que le Dr Fuentes consignait les informations relatives à ses « patients » sur des fiches conservées dans sa résidence Canarienne. Cette dernière n’a pas été perquisitionnée, alors que l’on avait tout loisir de le faire.

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Le 14 février 1995, à bout, Sally a tiré sur Ray avec un fusil de calibre 12. Elle a appelé le 911, pour avouer avoir tué son mari car elle était victime de violences conjugales. Les enfants ont confirmé la version de leur maman, assurant que leur mère aurait… 24 Dans le détail, un an après l’opération, 30 « puertistes » avaient trouvé refuge en Elite 2 (division inférieure) ; 46 avaient mis un terme à leur carrière ; 8 avaient changé de discipline (VTT, piste) ; enfin, une petite dizaine espérait encore trouver une formation.

  • Source de contradictions et incertitudes, la diversité des groupes sociaux et des institutions interagissant dans la régulation du dopage (dont le champ de compétences déborde, pour certaines d’entre elles, largement le cadre national) rend problématique le prononcé de sanctions disciplinaires et/ou de droit commun.
  • Ils n’ont toutefois pas résisté à la prégnance des intérêts particuliers ainsi qu’à la vive concurrence économique et sportive régnant au sein du cyclisme professionnel.
  • Cinq équipes professionnelles ont du reste été dissoutes à la suite de cette affaire, entraînant nombre de coureurs vers une fin de carrière anticipée24.
  • Préalablement à tout développement, il importe de situer notre étude sur les plans factuel et scientifique.
  • 1Mis au point dans les années 1970, le dopage par autotransfusion sanguine a été peu ou prou abandonné au début des années 1990, au profit de l’érythropoïétine (EPO) qui permet des effets similaires sur les performances sans nécessiter une logistique médicale aussi poussée.

Parmi les exemples les plus retentissants, on pense au sprinteur canadien Ben Johnson lors des Jeux olympiques de 1988. 43Les sanctions prononcées à l’encontre de Valverde sont le fruit de la ténacité du CONI qui s’était résolu, dès janvier 2008, à entamer une procédure alternative, annonçant son souhait d’entendre les personnes impliquées58 et n’excluant pas de prononcer des sanctions disciplinaires59. Une autre procédure, d’autant plus remarquable qu’elle s’émancipe, par la force des choses, des règles disciplinaires ou étatiques relatives au dopage, a permis de confondre Ullrich (voir cas 2, ci-dessous). Lors d’un bref passage du Tour de France 2008 sur le sol italien, le CONI a soumis ce coureur à un prélèvement sanguin.

4. La protection offerte aux « puertistes » espagnols

Proposant de voir l’organisation du contrôle du dopage sportif comme un système complexe mettant aux prises particulièrement les dirigeants sportifs, les représentants des autorités publiques et le corps médical, L. Sallé et al. interprètent, quant à eux, « l’histoire et l’actualité du dopage non seulement comme le produit de l’évolution des relations qui régissent ces trois groupes identifiés, mais également comme le résultat de la domination ponctuelle d’un référentiel sur les deux autres » (2006, p. 10). Empruntée à la sociologie politique et particulièrement aux travaux qui s’intéressent aux politiques publiques (Muller, 2000), la notion de référentiel, appliquée au dopage, renvoie à un ensemble de pensées et de représentations produites sur le phénomène qui conditionne et organise les actions des uns et des autres.

Il semble préférable d’estimer que l’affaire Puerto révèle les failles de la gouvernance sportive, qui rendent aujourd’hui très délicates la résolution des conflits et des problèmes, ainsi que le prononcé de sanctions. Quelle que soit l’appréciation que l’on peut porter sur cette situation, il serait injuste d’en tirer la conclusion selon laquelle la lutte antidopage s’avère une entreprise impossible. 1Mis au point dans les années 1970, le dopage par autotransfusion sanguine a été peu ou prou abandonné au début des années 1990, au profit de l’érythropoïétine (EPO) qui permet des effets similaires sur les performances sans nécessiter une logistique médicale aussi poussée.

Cela passe, d’une part, par un rappel synthétique du déroulement des événements et, d’autre part, par des précisions sur l’inscription disciplinaire et théorique du regard proposé. 3Ainsi, ce n’est pas une volonté des institutions sportives mais une initiative publique qui est à l’origine des événements3. À ce titre, les conditions d’émergence de l’affaire Puerto ne sont pas sans rappeler celles de l’affaire Festina de 1998. L’action des forces de l’ordre espagnoles a été décisive dans la mise au jour du réseau organisé, tout comme l’avait été l’initiative des douaniers puis les investigations de la police judiciaire dans le cas français4.

5. Des ordres juridiques contradictoires, propices à un jeu sur les règles

Lourde de conséquence, cette interdiction mit Valverde dans l’impossibilité de prendre le départ du Tour de France 2009, dont la 16e étape intégrait un passage par le Val d’Aoste, en Italie (Le Figaro, 18 mai 2009 et Le Monde, 15 juin 2009). Le coureur espagnol a fait appel de cette sanction devant le TAS, mais l’arbitrage de ce dernier n’a pu être rendu avant le départ du Tour (Le Monde, 23 juin 2009). 4 C’est aussi l’action de la justice américaine qui a permis d’obtenir les aveux de l’athlète Marion Jones dans l’affaire dite Balco. Les contraintes d’une action publique visant à ajuster les dispositifs à des pratiques insaisissables », communication au colloque Les Approches pragmatiques de l’action publique, Facultés universitaires Saint Louis, Bruxelles.

Réguler le dopage ? Les failles de la gouvernance sportive

Or, s’il serait exagéré d’affirmer que ce dernier faisait défaut en Espagne au moment des faits28, la législation réprimant pénalement la production, l’usage et la distribution de produits dopants (avec des peines allant jusqu’à 2 ans d’emprisonnement) n’a été adoptée qu’a posteriori, en novembre 2006. Ainsi, les faits constatés par la garde civile ne tombent pas sous le coup de la nouvelle législation (principe de la légalité de la peine). 65 Force est de constater que l’AMA, dont la vocation est d’harmoniser les différents dispositifs légaux et sportifs en matière de dopage, n’a guère assumé son rôle. 59 Depuis août 2007, la règlementation anti-dopage entrée en vigueur en Italie permet d’interdire aux athlètes étrangers dont la responsabilité dans une affaire de dopage est établie de concourir sur le territoire italien (L’Équipe, 14 janvier 2008).

35Cette démarche pour le moins timorée de collecte d’informations, combinée à l’absence d’échange transparent de données entre institutions régulatrices, empêche de faire toute la lumière sur l’affaire et, dans une certaine mesure, de sanctionner les acteurs impliqués. Une minoration de l’ampleur du réseau identifié est induite, alors que le flou persiste quant à sa composition anabolisants légaux pharmacie réelle. 26Dans le même temps, des accords solennels, augurant de capacités d’autorégulation du monde du cyclisme professionnel, ont reçu l’adhésion de plusieurs acteurs majeurs le composant. Ils n’ont toutefois pas résisté à la prégnance des intérêts particuliers ainsi qu’à la vive concurrence économique et sportive régnant au sein du cyclisme professionnel.

Trabal et al. (2010, p. 7), « le cas du dopage est emblématique de la redéfinition des frontières de l’État et des interrogations suscitées autour de la gouvernance ». En ce sens, elle interroge traditionnellement la restructuration de l’action publique et l’abandon du modèle classique de politiques menées à titre principal par un État centralisé sur des secteurs bien délimités. Dans le champ sportif, l’usage relativement récent de la notion de gouvernance traduit les difficultés des instances sportives à gérer les « dérives » du sport, la nécessaire intervention d’autres instances régulatrices et l’importance d’une coopération plus systématique avec les acteurs publics. Évoquer la gouvernance sportive revient alors à constater la multiplication croissante des acteurs et des espaces par et dans lesquels se développent et s’exercent les politiques sportives.

En d’autres termes, toute intervention en matière de dopage « dépend, d’abord, de l’idée qu’ils s’en font et, ensuite, de leurs affrontements dans les mécanismes de régulation et gestion du phénomène » (Sallé et al., 2006, p. 10). 25L’affaire Puerto a été déclenchée par l’intervention d’acteurs publics s’étant substitués aux autorités sportives. C’est un premier aveu d’impuissance de ces dernières, censées identifier et sanctionner le dopage ; démonstration est ainsi faite de leur incapacité manifeste à organiser efficacement la lutte, voire de leur manque de volonté d’agir.